Aménager ou rénover un hôtel ne se limite pas à créer de beaux espaces : chaque projet est un véritable défi où s’entremêlent contraintes budgétaires, délais serrés, exigences techniques et attentes élevées des clients finaux. Dans ce secteur où l’expérience client est au cœur de la réussite, les donneurs d’ordre (investisseurs, propriétaires ou exploitants hôteliers) attendent de leurs partenaires un accompagnement précis, fiable et créatif.
Pour comprendre ces attentes et mieux saisir les coulisses de la réalisation d’un projet hôtelier, nous avons échangé avec Joceran Astier, directeur de projets chez CALETEC, une entreprise spécialisée dans le pilotage et le suivi de travaux, afin de nous apporter un regard concret sur les enjeux et les bonnes pratiques qui permettent de transformer une idée en un établissement unique.
AU COEUR DE LA CONSTRUCTION
DU LUXE AUX RÉNOVATIONS EMBLÉMATIQUES

L'UNIVERS DU CHANTIER DANS L'HÔTELLERIE

Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel et le type de projets que vous gérez actuellement ?
J’ai commencé dans la construction par un événement familial. Mon père est dans le domaine depuis à peu près une cinquantaine d’années. Après avoir fait pas mal de choses qui n’ont rien à voir avec la construction, j’ai commencé avec un projet de résidence-service en région parisienne, en pilotage de chantier.
Ensuite, j’ai géré quelques opérations, plutôt en bureau. J’ai fait de la maîtrise d’œuvre pour Artelia, notamment sur le ministère de la Défense. Puis j’ai fait mon premier projet hôtelier il y a huit ans, pour Hilton, un quatre étoiles à Paris. C’était un moment un peu historique pour moi, qui m’a donné envie de continuer dans ce domaine.
Depuis, je n’ai fait que des projets hôteliers, en OPC, en maîtrise d’œuvre, et depuis cinq ans en maîtrise d’ouvrage ou maîtrise d’ouvrage déléguée, tout en continuant un peu de maîtrise d’œuvre et d’OPC.


J'ai notamment travaillé sur les projets du Park Hyatt place Vendôme, sur le J.K. Place dans le 7e arrondissement de Paris, le Novotel Vaugirard (qui était le flagship d’Accor pendant le Covid, et mon premier projet en maîtrise d’ouvrage, assez intéressant, avec Jean-Philippe Nuel).
J’ai aussi travaillé sur le Plaza Athénée ou encore le Radisson Blu de Nantes. J’ai participé à d’autres opérations en renfort, comme au Woodward à Genève, mais je n’étais pas en position centrale.
J'ai fait mon premier projet hôtelier il y a huit ans pour Hilton à Paris. C'était un moment historique qui m'a donné envie de continuer dans ce domaine.”


TENDANCES & ATTENTES DANS L'HÔTELLERIE
L'IMPORTANCE DE L'EXPÉRIENCE CLIENT

Vers des hôtels uniques et différenciantS
Quelles tendances ou innovations observez-vous dans le secteur de l’hôtellerie, notamment depuis le Covid ?
Alors, Il y en a deux principales.
La première, c’est la manière dont les hôteliers s’adaptent à une nouvelle clientèle. Par exemple, dans un lobby, le code hôtelier classique, c’était d’avoir un grand desk d’accueil central pour recevoir tout le monde. Aujourd’hui, on est davantage sur des dispositifs plus discrets, plus “friendly”. On gère les arrivées de façon plus intimiste. On fait patienter les clients dans des espaces lounge plutôt que debout devant un comptoir.


C’est une tendance assez généralisée. Après, ça dépend de la gamme : en 4 étoiles, on voit ça souvent, et en 5 étoiles, on est sur des accueils plus privatifs, en conciergerie.
La deuxième, c’est l’impact de la réglementation écologique. Les décrets tertiaires bouleversent pas mal les demandes des clients, notamment en termes de consommation énergétique. On regarde la surface, la typologie d’activité (restaurant, fitness, etc.)… C’est un sujet central dans les projets de construction. Et les hôteliers sont assez proactifs, parce qu’ils savent qu’ils risquent d’être sanctionnés s’ils ne respectent pas ces obligations.
Et il y a une troisième tendance : avant, dans les années 2000, tous les hôtels devaient se ressembler d’une ville à l’autre. Un Novotel à Paris devait ressembler à celui de Marseille ou de Lyon. Aujourd’hui, c’est totalement différent, notamment grâce à des plateformes comme Booking. Les clients veulent quelque chose d’unique, de singulier, une expérience. On choisit un hôtel pour son décor, ses services, sa piscine... Le décorateur a donc un rôle central aujourd’hui.

Les attentes changent, on cherche à faire des projets rentables, en réduisant les coûts.”

Comment les attentes des donneurs d’ordre hôteliers ont-elles évolué ces dernières années ?
Déjà, les hôteliers ne veulent plus fermer leurs établissements pendant les travaux. Il faut donc réaliser les chantiers en site occupé, ce qui implique pas mal de contraintes.
Ensuite, les budgets. Les attentes changent, on cherche à faire des projets rentables, en réduisant les coûts. Par exemple, au lieu d’aller chercher du marbre en Italie, on se tourne vers le Portugal ou la Grèce. On veut un rendu luxueux, sans pour autant exploser les budgets. Et surtout, on veut aller vite. Les travaux doivent être courts. Sinon, on perd la clientèle, qui va ailleurs… et ne revient pas forcément.
La plupart des rénovations se font en hypercentre. C’est la stratégie principale aujourd’hui. En dehors, on est plus sur des expériences spécifiques (hôtels-bateaux, châteaux de la Loire pour clientèle américaine, etc.). Mais en centre-ville, la concurrence est très forte. Il faut se démarquer, capter des idées chez le voisin, dans le palace qui vient d’être rénové, pour rester dans la course.



L'INNOVATION COMME LEVIER DE PERFORMANCE
Quels sont les ingrédients clés pour une bonne coordination entre tous les intervenants sur un chantier ?
Le point de départ, c’est d’avoir un projet de conception bien abouti. C’est fondamental… et pourtant rare, souvent pour des raisons budgétaires. On imagine un idéal, puis on découvre que c’est difficilement réalisable. Il faut faire des arbitrages, des "value engineering". Si déjà, à ce stade, le projet est calé et que les entreprises l’ont bien intégré en phase ACT, c’est un vrai plus.


Ensuite, avant on pensait que multiplier les spécialistes dans tous les domaines permettait de viser la perfection. Mais ça a ses limites. J’ai un exemple : un monument historique transformé en hôtel de luxe, à Paris. Cela fait 8 ans qu’ils sont en travaux, toujours pas finis. Quatre équipes se sont succédées, avec toutes sortes de spécialistes et 36 entreprises différentes au total. Donc aujourd'hui, on préfère souvent des lots plus globaux, pour avoir un seul interlocuteur responsable.
Il faut aussi une équipe de maîtrise d’œuvre et d’OPC solide, et qui ne soit ni surdimensionnée ni sous-staffée.
Et puis il y a l’importance de la connivence entre l’OPC et le maître d’ouvrage. Un OPC, ce n’est pas une dépense superflue, c’est la personne qui prend les coups et gère les aléas. Il est crucial dans le projet, surtout en rénovation ou réhabilitation, où les surprises sont nombreuses.
Enfin, l’innovation. Le bâtiment évolue lentement. On a d’un côté de jeunes ingénieurs très à l’aise avec les nouveaux outils et de l’autre, des entreprises plus anciennes qui ont du mal à se former sur ces nouveautés. Il y a donc un vrai enjeu sur mieux former les entreprises pour les aider à intégrer ces outils, ce qui serait un gain de temps et d’efficacité.

Le point de départ, c'est d'avoir un projet de conception bien abouti.”

À titre personnel, y a-t-il un projet ou une collaboration récente dans l’hôtellerie qui vous a particulièrement marqué ?
Oui, le monument historique dont je parlais tout à l’heure. C’était un bâtiment exceptionnel, transformé en grand hôtel de luxe. Ce n’est pas représentatif du secteur hôtelier classique, c’est vraiment un projet d’exception. Il y avait un vrai savoir-faire français en jeu. La moitié du groupement Ateliers de France y travaillait.
C’était aussi le symbole d’un investisseur privé qui se faisait plaisir, mais qui s’est heurté à la réalité : on ne devient pas hôtelier du jour au lendemain. C’est un vrai métier, et il faut comprendre les enjeux de construction. La coordination technique, la synthèse, le choix d’un interrupteur ou d’une lampe… tout est lié. Ce chantier m’a marqué parce qu’il montre à quel point l’hôtellerie est complexe. Un hôtel, c’est peut-être 200 ou 300 personnes qui doivent collaborer, et si ce n’est pas bien dirigé, tout peut dérailler.
Et un autre projet m’a marqué : le Novotel Vaugirard, rénové pendant le Covid. C’était le seul projet en cours à Paris pendant les confinements. Avec une équipe réduite, dans un contexte très particulier, on a réussi à construire malgré tout, avec des règles sanitaires très strictes. Tout le monde a dû se remettre en question, et au final, le projet a été livré correctement. Ça a été une vraie réussite dans un moment très compliqué.



À travers cette rencontre avec Joceran Astier de Caletec, nous souhaitions mettre en lumière toute la complexité des projets hôteliers qui conjuguent créativité et rentabilité. Respect des délais serrés, anticipation des contraintes réglementaires, gestion des imprévus... L'objectif derrière chaque projet est d'offrir aux clients une expérience unique. Ces défis exigent une coordination sans faille entre tous les acteurs du projet, du pilotage de chantier à la conception des espaces.
Chez FOR ME LAB, nous partageons cette vision : imaginer et aménager des lieux singuliers, où chaque détail compte, tout en tenant compte des contraintes opérationnelles et budgétaires. Grâce à notre savoir-faire en mobilier et aménagement sur-mesure, et les savoir-faire de tous nos partenaires, nous accompagnons les hôteliers pour donner vie à des espaces qui allient identité forte, fonctionnalité et confort.