Hôtel Office: entre télétravail et vie en entreprise

Bonjour Emmanuelle, parlez-nous de vous... Quel est votre parcours ?

J’évolue dans l’univers de l’aménagement depuis 14 ans. Depuis mes débuts dans le réseau de concessionnaires STEELCASE, j’ai appris que l’évolution des environnements de travail était liée aux changements de nos modes de vie.

Les fabricants de mobilier investissent énormément dans la R&D afin de suivre ces évolutions.

L’élaboration d’une nouvelle gamme de bureau peut prendre entre 3 à 5 ans. L’enjeu est crucial : il s’agit de détecter les tendances de demain et anticiper les besoins des entreprises. En cela, j’ai beaucoup appris à leurs côtés.

Mais j’ai aussi compris que les utilisateurs affectionnent la mixité des ambiances. C’est pourquoi avec mon associé Bruno INGRAO nous avons décidé de racheter la société AUDIENCE ET CREATION en Août 2017, afin de proposer à nos clients une offre très large et adaptée à chaque profil d’entreprise.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les changements liés à la crise sanitaire ? 

La crise sanitaire n’a fait qu’accélérer un mouvement qui était déjà en marche : le FLEX OFFICE ou l’absence de place attitrée. Cette demande, initialement prévue pour les nomades n’était que les prémices d’une refonte complète des environnements de travail. Cette nouvelle forme d’appropriation de l’espace permet de libérer des m² pour proposer plus d’espaces propices à l’échange, aux salles de réunion dynamiques, ou aux espaces lounge.

Aujourd’hui le bureau n’est plus un espace privatisé par une seule personne. D’autant plus que le confinement a révélé aux managers et aux dirigeants que leurs employés pouvaient travailler en télétravail, sans perte d’efficacité. Aujourd’hui les sièges sociaux ne sont occupés qu’à 15 ou 20%. Cela donne à réfléchir.

Bien que provisoire, cette situation forcée a permis d’instaurer la confiance dans le télétravail. Pour les entreprises qui auront réussi cette transition, il viendra la question des m² inutilisés. Ne pourrions-nous pas repenser ces espaces différemment ?

Pouvez-vous nous citer 3 nouvelles tendances clés en matière d'aménagement des espaces de travail dans ce contexte précis ? 

Nous pensons que les espaces de travail devront être imaginés comme des plateformes d’accueil d’employés satellites : un lieu où l’on pourra venir pour échanger sur un sujet précis, autour d’un projet commun et retrouver le sentiment d’appartenance à son entreprise.

Ainsi les métiers « support », tel que la comptabilité, les équipes de direction ou encore les services techniques difficilement « télé-portables » resteront en entreprise mais ne seront sollicités qu’a des moments choisis et décidés avec les collaborateurs. 

C’est ainsi que pourrait démarrer la mutation des open space en zones d’échanges informels.

Les salles de réunion devront s’adapter à ces nouveaux usages. Nous croyons beaucoup à la flexibilité de ces nouvelles salles. Parfois salle plénière, parfois salles de formation ou encore salle projets. Elles devront être reconfigurables rapidement selon le thème de la journée.

Ce qui ressort de cette crise inattendue c’est que les employés sont aussi efficaces (voire plus) en télétravail qu’en entreprise. Cette révolution offre un atout majeur pour l’employé : il n’est plus rattaché physiquement à son entreprise. Libre à lui de pouvoir vivre où il le souhaite. Défait de cette contrainte, il est tout à fait envisageable de vivre à des kilomètres du siège social, tout en restant bénéfique à son poste.

Les grands groupes hôteliers ont compris cette nouvelle mouvance. Si le télétravail tend à se poursuivre, ces nouveaux nomades auront quand même besoin de dissocier la sphère privée de la sphère professionnelle. C’est pourquoi les hôtels peuvent offrir des espaces de travail aux employés désireux d’avoir un poste au calme dans un contexte autre que la maison.

Quels dispositifs les hôtels mettent-ils en place ? 

Les hôtels pourront agrandir leur offre en transformant des chambres en bureaux privatifs, louables à la demi-journée, voire au mois ou au semestre. Pour palier au taux de remplissage souvent trop bas, l’hôtelier pourra ainsi rentrer dans ses frais. Quant à l’utilisateur des lieux, il bénéficiera du confort d’un espace privatif, équipé de wifi ou de la fibre, tout en bénéficiant du service de restauration et des espaces communs (conciergerie, salles de réunion, lobby, etc…) Cette nouvelle façon de concevoir le télétravail évite au collaborateur l’isolement à domicile. Quant à l’employeur, il garantit de bonnes conditions de travail à son employé.

Comment s'articulent les nouveaux espaces à aménager ? En quoi sont-ils différents ? 

Place au « Hygge » comme disent les Danois. Normalement dédié à la maison, cet art de vivre s’invitera de plus en plus en entreprise. L’enjeu est de créer une ambiance chaleureuse qui favorise l’épanouissement et l’écoute de l’autre.

De plus, l’entreprise devra offrir une multitude de nouveaux usages : des espaces communautaires, des salles de réunion cosy, des lieux propices à la créativité. Ces espaces seront recherchés par les collaborateurs dont le télétravail diminue leur contact avec les autres.

Quelles sont les ambiances les plus prisées par les hôtels ? 

Les hôtels offrent de plus en plus d’espaces de type coworking, qui répondent à ces nouvelles demandes. Par exemple la société WOJO, spécialisée dans le coworking a développé des corners dans les hôtels, pour permettre aux voyageurs de pouvoir se connecter et travailler à distance. Pour favoriser ces ambiances, il faudra un savant dosage de tables communautaires, d’espace lounge, sans oublier les cabines téléphoniques, indispensables pour garantir le calme nécessaire à ces espaces.

Pensez-vous que ce modèle soit une tendance à long terme ? Quels autres changements voyez-vous se profiler dans d'autres domaines que l'hôtellerie ? 

Cette tendance est encore émergeante. Il est trop tôt pour savoir si elle va durer dans le temps. Mais de mon point de vue, cette formule est le parfait compromis entre télétravail et vie en entreprise. Cette solution offre la possibilité aux employés de se délocaliser, tout en gardant le lien avec son employeur.

Tous les protagonistes de cette nouvelle aventure sont avantagés:

L’employé peut avoir le choix de son futur lieu de domicile, sachant qu’il y aura toujours un hôtel proche de chez lui qui pourra l’accueillir dans de bonnes conditions pour travailler. 

L’employeur est certain d’offrir un confort de travail à son employé, il pourra revoir les surfaces du siège social et remodeler ses aménagements.

Le directeur de l’hôtel propose un bouquet plus large de services à ses visiteurs, et s’assure de recettes plus constantes.

Avez-vous d'autres idées à nous partager sur l'aménagement des nouveaux espaces de travail ? 

Aujourd’hui, les employeurs sont encore dans le flou quant au retour de leur salariés en entreprise. Le contexte actuel ne favorise pas le réaménagement immédiat. Mais à l’avenir lorsque le climat sera un peu plus serein, nous pourrons suggérer à nos clients de favoriser des espaces collaboratifs, type table communautaire, mettre en avant des salles de réunion permettant les échanges connectés et renouer avec le sentiment d’appartenance à son entreprise.

À mon sens, nous ne sommes qu’au début d’une révolution passionnante de ces tiers lieux et du monde du travail, en général.

L’explosion des espaces de coworking illustre bien ce changement et pas seulement dans les métropoles. Aujourd’hui je ne sais pas, mais demain je pense que cette nouvelle façon de travailler à distance favorisera la revalorisation de nos villages, à condition qu’il y ait un hôtel ou à coworking à proximité.